Perspectivia
Lettre1880_06
Date1880-06-03
Lieu de créationParis
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesCazin, Jean Charles
Lhermitte, Léon
Duranty, Louis
Degas, Edgar
Millais
Menzel, Adolph Friedrich Erdmann von
Dubourg, Victoria
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Esch, Mlle
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS Selbstbildnis (autoportrait)
S Preparing for a Fancy Ball (Préparatifs pour le bal costumé)
S Man with Game (homme au gibier)
F Portraits ou la leçon de dessin dans l'atelier
F La famille Dubourg

[Paris]

Jeudi 3 Juin 80

Mon cher Scholderer

Voilà bien longtemps que je veux vous écrire, mais la paresse est plus grande que tout. Je recule toujours à vous parler du Salon ici, et n’en ai pas encore le courage aujourd’hui.

On ne sait par où commencer.Le Salon de 1880 engendre de nombreuses polémiques. Le nombre d’œuvres, près de 4000 en 1880, est tel que la place manque au palais de l’Industrie où elles sont exposées. L’ouverture du Salon s’en trouve retardée de quinze jours. Cette absence de sélection a été interprétée par Pierre Vaisse comme une manifestation de mauvaise humeur envers Turquet, sous-secrétaore d’état aux Beaux-Arts, qui n’avait pas traité les membres du jury avec toute la déférence désirable et avait pris, pour l’organisation matérielle du Salon, quelques initiatives qu’ils désapprouvaient. A la suite de l’interpellation d’un député au sujet de ce trop grand nombre d’œuvres, Turquet répond sur le terrain politique et les artistes saisissent l’occasion pour se dresser contre lui. La cérémonie de récompenses n’a pas lieu. Vous savez votre place et depuis que je vous en ai parlé, je l’ai toujours trouvée meilleure.Scholderer, Selbstbildnis, B.150.

Vous avez su le succès de Cazin, il a eu une médaille de 1ère classeCazin est récompensé pour son tableau Agar et Ismaël (1880, huile sur toile, 250 x 200 cm, Tours, musée des Beaux-Arts). et Lhermitte une de 2e classe.Léon Lhermitte expose L’aïeule (dit à tort : la vieille femme), LPF.26, 1880, huile sur toile, 154 x 126 cm, Gand, musée des Beaux-Arts ; Le comte de Sade et sa famille, LPF.24, 1880, huile, 101 x 120 cm, coll. part. Vous savez que Thoma n’a qu’un tableau passablement placé, l’autre très mal.Thoma envoie Jupiter enfant soigné par les nymphes (76 x 104 cm, n° 3633) et Néréides (104 x 76 cm, n° 3634) au Salon de Paris de 1880. Ces tableaux me plaisent bien. Que dites-vous de l’Academy ! J’ai su que vous aviez vendu un tableau, et que devient l’autre,Les deux tableaux sont Scholderer, Preparing for a Fancy Ball (Préparation pour le bal costumé, B.188, 1879-1880, huile sur toile, 150 x 210 cm, Francfort-sur-le-Main, coll. part.) et Man with Game (Homme avec du gibier, B.189, 1880, huile sur toile, 108,7 x 82,4 cm, Sheffield, Mappin Art Gallery) que Scholderer vend. que dites-vous de mon refus,Au sujet de Portraits ou la leçon de dessin dans l’atelier (F.920) Fantin-Latour écrit à Mme Edwards une lettre le 4 avril 1880 dans laquelle il lui recommande : « Laissez donc agir le Jury, les placeurs, sans rien demander à personne, vous savez bien que je ne fais jamais cela ici. Ne parlez pas non plus à personne de me nommer membre honoraire de l’Academy ; si ces messieurs veulent de moi, ils sauront bien me nommer sans que je le leur demande. » Malgré ses recommandations, son tableau n’est pas admis et Fantin en sera très déçu, cité par Ferdinand et Julien Tempelaere, Projet de préface à un nouveau catalogue de l’œuvre raisonnée de Fantin (inédit, n.d.). j’avais encore une illusion. J’ai cru que m’ayant reçu l’année dernière,Avec La famille Dubourg, F.867. on me laisserait entrer !

Les affaires vont bien mal, il paraît, à Londres. Je ne sais pas encore si je me déciderai à y aller cette année. Vous n’avez pas l’idée de venir un jour ici nous voir.

J’aimerais bien vous voir ici et aller au Salon avec vous et causer, j’aimerais bien savoir votre opinion sur tout cela, car on ne dit rien par lettre. J’ai un journal qui mentionne votre portrait. C’est La Civilisation.On peut lire sous la plume d’Elie de Mont (« Le Salon de 1880. VI », dans La Civilisation. Journal royaliste quotidien, samedi 22 mai 1880, n.p.) : « La salle n° 11 qui vient ensuite, nous offre quelques paysages de MM. César de Cock, Jones Bolton, Castan, d’Alheim et Picknell. J’espère que vous en aurez d’autres et je vous les enverrai ensemble. Vous me demandez dans la dernière lettre qu’était le mal de Duranty, c’est une rétention d’urine qu’il n’a pas soignée, il est resté sans rien faire du tout.

Quand il s’est fait transporter à la maison de santé, il n’y en avait plus rien à faire, je ne l’ai pas vu. DegasVoir lettre de Degas à Fantin au sujet de Duranty, s.d., Fonds Custodia, collection Frits Lugt, 1997-A.693. m’avait écrit qu’il était malade. Je vais à la maison de santé avec Cazin, il était mort. Je n’ai pas osé le voir mort, cela est, sa mort comme sa vie et son caractère, incompréhensible. Ce qu’il a écrit sur MillaisVoir Edmond Duranty, « John Everett Millais », François-Guillaume Dumas (éd.), dans Illustrated Biographies of Modern Artists, Londres, 1882-1884, p. 28-48. a été traduit en anglais et n’est pas paru en France. MenzelVoir Edmond Duranty, « Adolph Menzel », dans Gazette des Beaux-Arts, mars 1880, p. 105-124 et juillet 1880, p. 201-217. est en train dans La Gazette des beaux-arts. Comment va Madame et vous, comment vous trouvez-vous de ce commencement d’été, je le redoute bien.

Ma femme est dans ce moment très enrhumée, elle me charge de vous dire à tous deux bien des choses ainsi que Mademoiselle Esch. Écrivez-moi je vous prie. Adieu H. Fantin.