Perspectivia
Lettre1881_10
Date1881-09-05
Lieu de créationCornwall
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesSickert, Oswald Adalbert
Rembrandt
Scholderer, Viktor
Dubourg, Victoria
Teniers, David dit le jeune
Ostade, Adrien van
Lieux mentionnésGlasgow, The Royal Glasgow Institute of Fine Arts
Francfort-sur-le-Main
St Ives (Cornwall)
Birmingham, Royal Birmingham Society of Artists
Manchester, Royal Manchester Institution
Liverpool, Walker Art Gallery
Œuvres mentionnées

10. Bellair Terrace St. Ives Cornwall England

5 Sept. 1881

Mon cher Fantin,

Depuis le 19 août nous sommes ici. Sickert et sa famille y étaient, c’est ce qui nous a décidés de choisir cette place et de faire un si long voyage. Nous avons regretté de n’avoir pas venu plus tôt, surtout moi pour ma peinture, car il y a ici des sujets charmant à peindre dans le genre de la courScholderer, Hof eines Bauernhauses in Kronberg, B.21. que vous avez, seulement bien plus beau encore.

C’est une petite ville de pêcheurs, un petit labyrinthe de toutes petites maisons bâties en granit, cela ressemble aux intérieurs de Rembrandt tout à fait, aussi on voit des Ostades et Teniers,Adriaen Van Ostade (1610-1685), peintre hollandais, et David Teniers dit le jeune (1610-1690), peintre flamand. c’est absolument à mon goût et les hommes sont bien beaux et très agréables.

Nous avions retardé notre voyage à cause de Victor qui n’allait pas bien, il n’est pas encore très fort maintenant, les dents lui font beaucoup à faire, la septième vient à présent, elles se suivent très rapidement. Nous ne sommes pas très forts ici, quoique l’air est très bon, ma femme n’est pas du tout forte, moi aussi je ne peux pas dire que je me porte trop bien. J’ai commencé quelques tableaux, cela m’amuse beaucoup, je regrette que je ne peux pas faire des figures qui sont si belles, mais le temps est trop court et nous n’avons pas d’atelier ici. Sickert a fait de jolies études en gouache. Aujourd’hui nous avons du vent et de la pluie, il n’y a rien à faire. J’ai travaillé beaucoup pendant les mois de juillet et août. J’ai envoyé 10 tableaux aux différentes Expositions de l’Angleterre et huit à Francfort ;Selon Jutta Bagdahn, en 1881, Scholderer aurait exposé deux œuvres à la Royal Birmingham Society of Artists à Birmingham : Peasant Girl/Bauernmädchen – Landmädchen, B.194, The Masqueraders/ Die Maskierten – Vor dem Kostümball, B.196 ; une œuvre au Royal Glasgow Institut of Fine Arts à Glasgow : Fruit Seller/Früchteverkäuferin, B.197 ; deux œuvres à la Walker Art Gallery de Liverpool : Game, Longings, B.192 ; deux œuvres à la Royal Manchester Institution : Homeward – Heimwärts – Heimkehr von der Ernte, B.202, The Village Patriarch, B.193, et un autoportrait ainsi que sept œuvres à la Historische Kunstausstellung de Francfort en 1881. Jutta Bagdahn semble avoir indiqué ces sept œuvres à la suite de sa lecture de la correspondance entre Fantin et Scholderer, aucune référence à un catalogue d’exposition ou à des archives de l’exposition de 1881 n’est mentionnée. je crains que je n’en vendrai pas, voilà la récolte en Angleterre et en Amérique qui ont été si mauvaises, cela a beaucoup d’influence sur le commerce. Je me suis proposé de faire des natures mortes en automne, des oiseaux, du gibier, des poissons, j’ai aussi des sujets pour l’hiver, j’espère travailler beaucoup pour pouvoir me reposer un peu en été, quand il fait chaud.

Que faites-vous à la campagne, ne travaillez-vous pas trop ? Comment sont vos santés ? J’ai peur que le mauvais temps vous fera rentrer bientôt à Paris, car je suis sûr que vous aussi avez eu beaucoup de pluie. Est-ce que vous prenez des bains de mer ? Cela vous ferait du bien. Nous n’en prenons pas, nous sommes trop loin de la mer, notre maison est située haute et ma femme n’aime pas à marcher ou plutôt ne le supporte pas.

Nous avons fait photographier Victor ici, mais ce n’est pas devenu bien, il est trop vif, il a tenu ses deux pieds, chacun dans une main, et ne voulait pas les lâcher, nous avons bien ri et le photographe était au désespoir, enfin celui-ci commençait à hurler comme une bête sauvage, ce qui effrayait l’enfant qui ne bougeait pas pour une seconde et puis la photographie était prise, mais ce n’est pas très joli, je vous l’aurais envoyée si elle avait réussi. Nous allons rester jusqu’à la fin de ce mois et espérons d’avoir de vos nouvelles pendant que nous sommes ici. J’espère que vous pensez déjà à votre voyage à Londres l’année prochaine.

Bien des compliments à vous et à Madame de nous trois, nous espérons que notre lettre vous trouve en bonne santé.

Votre Ami

Otto Scholderer